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numérique et broché

2 premiers chapitres

Notes de l'auteure

 

Cette courte histoire est un préquel au roman HOT, Hypnotique Obstiné Ténébreux, publié aux Éditions Addictives, déjà disponible en numérique, sorti en format broché le 6 mai 2021.

Dans la temporalité, nous prenons ici place dix ans avant HOT. Nous faisons connaissance de deux jeunes adultes, Frank et Lexi, les deux héros, qui étudient à la fac et nous suivons leur rencontre et le début de leur romance.

Il n’y a aucun spoil, les deux histoires peuvent être lues dans n’importe quel ordre. Ce préquel apporte des précisions sur la naissance de leurs sentiments, la construction de leur couple. Nous apprenons ici à connaître un Frank différent de l’homme qu’il montre dans HOT, mais nous découvrons aussi une Lexi bien plus timide, renfermée et méfiante. De même, nous retrouvons Jordan, de Colocs & Sex Friends (publié aux Éditions Addictives également, disponible en numérique et en broché) et Graham, les meilleurs amis de Frank, et nous voyons également Shane, le frère de Lexi, le héros de The Secret Next Door (toujours publié aux Éditions Addictives, Colocs, désirs et autres complications en première édition, disponible en numérique).

Lors de la première écriture de HOT, j’alternais entre des scènes du passé et du présent. Les corrections éditoriales ont abouti à la suppression des moments du passé, mais j’ai tout de même eu envie de partager ces écrits, parce qu’ils permettent de mieux comprendre les personnages.

J’espère que cela vous plaira.

Affectueusement Jeanne.

1. FRANK

Mi-septembre

 

La rentrée universitaire a eu lieu il y a trois semaines. Je suis rentré à Chicago pour les deux mois et demi de vacances d’été. J’en ai bien profité. C’était extra de retrouver mes potes de là-bas. Putain oui alors, ces deux cons me manquent ! Même si on se voit de temps en temps au cours de l’année, on a forcément plein de trucs à se raconter et à faire aussi, à rattraper.

Graham, Jordan et moi, on est toujours aussi inséparables et je doute que ça change. L’ambiance entre nous trois n’a rien à voir avec celle de mes potes du Michigan. Et même avec les autres copains de Chicago, on est à part.

Heureusement, Jordan ne se laisse pas trop distraire par Alice, sa petite amie, il n’aurait pas fallu qu’elle lui interdise de nous voir, j’aurais été capable de lui poser un ultimatum. Et ce n’est qu’à moitié une blague.

Bien entendu, j’ai bossé un peu quand même, j’ai suivi des cours supplémentaires par internet et j’avais des trucs à rendre en plus ! Des vacances en demi-teinte presque, enfin pas complètement non plus.

Bon, toujours est-il que je suis de retour à East Lansing sur le campus de MSU[1], qui se trouve à environ quatre-vingt-dix miles à l’ouest de Detroit dans le Michigan, prêt à attaquer cette seconde année de fac. J’y étudie le management. Mon objectif est de devenir hockeyeur professionnel mais je veux un diplôme qui me permette de rester dans le milieu après la fin de ma carrière et quelque chose d’utile surtout.

On a repris tout doucement les entraînements avec mes coéquipiers de l’équipe de hockey du campus, les Spartans. J’ai patiné cet été, mais juste pour le fun tout en continuant les footings et un peu de muscu, j’avais hâte de reprendre dans de bonnes conditions. J’ai pris un peu de masse, ça va m’aider j’en suis sûr.

L’ambiance entre les mecs est toujours extra, sauf Nick qui me tape sur le système, un peu plus que d’habitude. Ce mec a toujours eu une grande gueule mais aujourd’hui c’est puissance dix. Je suis sous la douche et je prie pour qu’il se la ferme, même juste deux secondes, histoire de pouvoir m’entendre penser. Je n’en peux plus de l’écouter bavarder sur ses magnifiques vacances d’été sous les tropiques. Trois semaines qu’il nous rabâche ça, je commence à en avoir ma claque.

— Fais pas la gueule Frank ! rit Paul à côté de moi alors qu’il rince la mousse sur son torse.

— Il me fait chier l’autre, grogné-je en me penchant vers lui.

— Il fait chier tout le monde.

— Pourtant personne ne dit quoi que ce soit !

— Ouais, qu’est-ce que tu veux, dit-il en haussant les épaules avant de me laisser.

Je finis de me rincer aussi et enroule une serviette autour de mes hanches avant de rejoindre nos casiers où je retrouve Nick la pipelette.

— Hey ! Je vous ai pas raconté ! s’exclame-t-il comme si ça allait intéresser quelqu’un.

— Non ! Mais on a hâte de t’écouter parler, réponds-je sarcastique en grimaçant.

— Je quittais le bâtiment Phillips où je venais de m’entretenir avec cette charmante Rebecca et j’allais pour rejoindre la patinoire, explique-t-il en jouant avec ses sourcils, et je suis littéralement tombé sur une fille. Enfin, je lui suis rentré dedans quoi.

— C’est fantastique, ricané-je en enfilant mon jean, sans vraiment voir l’intérêt dans l’histoire. Absolument passionnant. Tu te saoules pas à force de parler à longueur de journée ?

— Ta gueule Frank ! Vous auriez vu cette meuf, les gars, continue-t-il sans s’offusquer. Encore une de ces coincées du cul. Cheveux cuivre, tirés en arrière, pas de style, une gueule de six pieds de long, étudiante en psycho si j’en juge par les bouquins qu’elle a fait tomber.

— Je suppose que tu t’es empressé de l’aider et tu as réclamé son numéro, se moque Eli, un autre de mes bons potes.

— Ben nan. Sur le moment, j’ai rien fait. Enfin, j’ai bien ramassé un livre, dit-il en récoltant un ou deux sifflets, parce que la bonté ce n’est pas son genre. Mais maintenant que j’y pense, je me dis qu’elle ferait un bon challenge pour mon tableau de chasse, parce que certes elle fait coincée, mais putain elle avait l’air super bien foutue et son visage n’était pas trop dégueulasse.

— Comme si t’allais te contenter de l’air super bien foutue et pas trop moche… ironise Karl plus loin.

— Eh bien, je pourrais peut-être essayer de la dérider un peu, elle accepterait peut-être de mettre une robe pour moi ou même rien d’ailleurs… Ça m’irait.

— Ça fait beaucoup de peut-être ça, ris-je en analysant ses paroles.

Bordel, on se croirait dans un film pour adolescents. Non mais quelle connerie il est encore en train d’inventer ce con de Nick ? Le mec peut tomber n’importe quelle fille et il va aller faire chier la pauvre meuf qui n’a rien demandé, sûrement pas l’attention de Nick en tout cas. Je suis désolé pour elle, avant même qu’il n’ait commencé, elle ne sait pas ce qui l’attend. Quel crétin ce type !

— Tu pourrais sûrement nous éclairer et nous abreuver de ta science, intervient Kane, qui s’est fait plutôt discret jusque-là, en s’adressant à moi.

Je le fusille du regard et grogne alors qu’il me bouscule d’un coup d’épaule. Ouais, j’oubliais ce connard. Plus âgé, il termine sa dernière année et il a été repéré par des professionnels, il fera très prochainement son entrée dans la ligue américaine avant d’intégrer une équipe de la NHL[2]. Depuis mon arrivée l’année dernière, il m’a pris en grippe. Il ne me supporte pas et je me demande bien pourquoi. Enfin, j’ai bien ma petite idée, il ne supporte pas la concurrence. Je suis meilleur que lui et il a du mal à le supporter.

— T’as un problème Kane ? monté-je au créneau.

— Avec un p’tit merdeux dans ton genre ? Absolument pas.

— Laisse tomber, murmure Eli en me retenant par le bras.

C’est sûr qu’un combat dans les vestiaires entre coéquipiers ferait tache sur mon dossier. Je consens à ne pas répliquer et termine de m’habiller, mais ce n’est pas l’envie qui me manque. Sa tête ne me revient pas non plus.

On quitte la patinoire, Eli, Paul, Karl et moi pour rejoindre notre bâtiment vie, située à l’ouest du campus, au sud de la rivière Red Cedar. On loge dans le bâtiment Shaw, je partage ma chambre avec Paul et Eli partage la sienne avec Karl, juste en face de la nôtre, alors forcément cela rapproche, ça, et le fait d’être coéquipiers et d’avoir le même cursus universitaire.

Les entraînements de hockey ont lieu plus à l’est, toujours au sud de la rivière, au Munn Ice Arena. D’habitude, on bouge avec la bagnole de Paul, mais en ce moment, elle a un petit problème et elle est bloquée au parking, alors on est à pied. On est censés s’en occuper ce week-end d’ailleurs. Donc on rejoint notre bâtiment tranquillement en papotant.

Alors qu’on arrive au croisement entre North Shaw Lane et Farm Lane, notre résidence se dessinant droit devant nous, ma concentration est interrompue par la vibration de mon portable dans la poche de mon pantalon. Je m’arrête en plein milieu du trottoir au croisement pour le récupérer, alors que les gars continuent d’avancer, prêts à traverser.

Et là, bim bam boum, quelqu’un me percute de plein fouet. Bien entendu, je n’ai rien, il faudrait une autre montagne pour ne serait-ce qu’ébranler mon mètre quatre-vingt-quinze. Au lieu de ça, je tourne la tête et vois une jeune femme accroupie en train de ramasser ses bouquins et divers trucs échappés de son sac. Je me penche pour l’aider et je l’entends marmonner mécontente en secouant la tête.

— Mais c’est pas possible ! C’est vraiment pas mon jour, seconde fois, merde, jure-t-elle sans faire attention à moi.

Je récupère quelques stylos et un porte-clés avant de les lui tendre.

— Désolé, m’excusé-je en souriant.

Mais elle m’arrache presque les objets des mains et se relève en murmurant à peine un merci. Elle semble remontée et même si je ne peux pas vraiment lui en vouloir, ce n’est pas moi qui lui ai foncé dedans. Alors je trouve ça un peu disproportionné tout de même. Voyant le genre, elle devait regarder ses pieds plutôt que devant elle.

Elle lève un instant les yeux sur moi et je suis subjugué par leur couleur, un vert saisissant, sublimé par le roux de ses cheveux tirés à l’extrême en une haute queue de cheval, qui lui donne un air très sévère. L’expression de son visage, dépourvu de maquillage, uniquement parsemé de taches de rousseur, n’est absolument pas chaleureuse.

Elle baisse la tête en resserrant l’anse de son sac sur son épaule et me contourne pour reprendre sa route en marmonnant toujours pour elle-même, furax. Je ne peux m’empêcher de la suivre du regard.

Quelque chose me chagrine. J’ai l’impression de l’avoir déjà vue, peut-être même de la connaître, au moins de vue, mais il ne m’a pas semblé de son côté que le sentiment soit partagé. Je la contemple encore de dos, un jean large qui ne met pas sa silhouette élancée en valeur et un tee-shirt ample qui dissimule ses formes féminines. On dirait qu’elle fait tout pour se cacher.

Je revois encore ses yeux me fixer furieusement quand cela fait tilt dans mon cerveau. Cette fille, c’est Lexi Hollner, une des joueuses de l’équipe de basket féminin de la fac. Voilà pourquoi elle me disait quelque chose. Et maintenant que j’analyse ce qu’elle a dit et ce que j’ai pu observer, je mettrais ma main à couper qu’il s’agit de la même fille qui est tombée sur Nick ce matin. La description physique correspond.

— Hey oh ! Frank ! s’écrit Eli depuis l’autre côté de la rue. Qu’est-ce que tu fous, bordel ? On t’a perdu ou quoi ? T’attends quoi ?

— Ouais, j’arrive !

Je jette un œil à gauche et à droite avant de traverser et rejoins les mecs en face.

— Il s’est passé quoi là ?

— Eh bien, euh… Elle… tenté-je d’expliquer tout en tournant la tête vers Lexi qui s’éloigne. Je suis à peu près sûr qu’il s’agit de la fille dont parlait Nick tout à l’heure.

— La coincée qu’il veut décoincer ? dit Paul.

— Ouais, grimacé-je, maintenant que je sais de qui il s’agit. Mais c’est pas n’importe quelle fille les gars, c’est Lexi Hollner.

— La basketteuse ?

— Ouais.

— Nick ne l’a pas reconnue… s’étonne Karl. Si ce con se met à l’emmerder et que ça se passe mal, le coach risque de l’avoir mauvaise.

Peu importe le sport pratiqué, les Spartans sont une grande famille. Alors oui, même si je ne connais pas personnellement Lexi, cela me ferait chier que Nick se permette de la séduire pour la jeter ensuite, juste pour le plaisir. Bon, je sais bien que dans les faits, cela ne me regarde pas. Elle est sûrement capable de se défendre et de faire ses choix.

D’après le peu que j’ai pu me rendre compte, Lexi ne fait pas partie des filles qui gravitent en temps normal autour des sportifs, peut-être parce qu’elle évolue dans le même milieu, il en faut sûrement beaucoup pour l’impressionner et l’intéresser. Elle ne se mêle pas trop aux soirées, elle est plutôt discrète, vraiment discrète.

— Tu es sûr que c’est elle ? insiste Karl en se tournant aussi vers la silhouette qui est maintenant à peine à portée de vue.

— Oui, elle a marmonné que c’était sa seconde fois et puis physiquement, elle ressemble à sa description, il n’y a pas cinquante mille rousses sur le campus de toute façon.

— Tu traînes pas avec Greg Franklin ? demande Paul à Eli.

— Ouais, pourquoi ? demande-t-il sans voir où il veut en venir.

Greg Franklin est le capitaine de l’équipe Spartans de basket masculin. Il est lui aussi promu à un bel avenir dans le basket professionnel, sans doute ici même avec les Pistons de Detroit si on en juge par les bruits de couloir qui traînent au bout d’un an seulement de fac.

— Eh bien, je crois que sa copine est la meilleure amie de Lexi, Selma quelque chose. Elle étudie dans le département Sciences Physiques et Biomédical. Je me rappelle les avoir vues traîner ensemble.

— Pourquoi tu nous dis ça ? demande Karl.

— Eh bien je sais pas, mais quand je repense à ce que ce crétin a dit tout à l’heure, ça me ferait chier qu’il emmerde juste pour le fun, une fille chouette qui n’a rien demandé, d’autant plus que c’est une amie de Greg. Le mec est sympa. Et puis, cela vaut pour n’importe quelle fille en fait. Aucune ne devrait être emmerdée par un con.

Je hoche la tête parce que je suis parfaitement de son avis, mais on ne peut pas agir à la place des autres. En ce qui concerne notre con et Lexi, je peux peut-être faire quelque chose.

— Je vais aller parler à ce débile, décrété-je, décidé à faire quelque chose, alors qu’on arrive presque devant notre entrée.

— Parce que tu crois qu’il va t’écouter ? On parle de Nick là. Et Nick ne pense qu’avec sa bite, c’est bien connu.

— J’ai ma petite idée pour le faire penser avec autre chose, leur confié-je alors qu’une lumière s’allume dans mon cerveau.

Ils n’ajoutent rien, qu’est-ce qu’ils peuvent faire de plus de toute façon ? On rentre tranquillement dans nos chambres, histoire de travailler un peu et on tombe d’accord pour se retrouver plus tard pour aller manger un morceau à l’extérieur.

 

[1] Michigan State University

[2] National Hockey Ligue

2. LEXI

J’arrive très énervée au bâtiment des sciences pour retrouver Selma, ma meilleure amie.

Ce n’est vraiment pas mon jour aujourd’hui. Quelles étaient les chances pour que je me fasse percuter deux fois par un mec dans la journée ? Par deux sportifs qui plus est. Et tout en douceur, cela va sans dire. Bon ce matin, c’était à cause de l’autre mec et il ne s’est pas vraiment montré aimable, cet idiot de Nick.

Par contre tout à l’heure, c’était de ma faute, je regardais mes pieds en marchant et je n’ai pas vu le type, ou plutôt la montagne de muscles, qui se tenait devant moi, arrêtée en plein milieu de l’intersection. Je l’ai reconnu, Frank, un des hockeyeurs. J’ai bien vu qu’il tentait d’alléger la situation mais je me suis montrée telle que je suis, froide tel un glaçon.

En réalité, les relations avec les garçons m’effraient. J’ai entendu tellement de trucs sur ce qui se passe sur les campus, les viols, les agressions, les abus, je me méfie de tout et presque tout le monde, je l’avoue. Mes parents m’ont tellement fait la leçon quand j’ai quitté la maison l’année dernière pour débuter ma première année. Et mes deux frères n’ont pas été en reste, même s’ils sont plus jeunes que moi. Alors forcément, je suis méfiante. Je sais qu’il existe des hommes bons, il m’arrive de le voir. Selma, ma meilleure amie, en a trouvé un en la personne de Greg. Mais je ne cherche pas à le constater intimement. Je ne suis pas là pour ça.

Mon objectif premier est de réussir mes études de psychologie. Mon cursus est déjà programmé, millimétré, je ne veux pas me laisser distraire par les garçons, les fêtes, l’alcool et risquer de mettre tout ça en péril. Selma me dit que je pourrais de temps en temps lâcher du lest et profiter un peu, mais ce n’est pas trop mon truc de toute façon. La vie sans distractions est bien plus simple à gérer.

Je sors de la bibliothèque principale, Selma m’a demandé si je pouvais venir vite fait parce qu’on ne s’est pas vues depuis trois jours, elle est enfermée dans son labo à cause d’une expérience en cours.

Alors je lui ai proposé de passer et d’emmener cafés et gourmandises. J’espère que les beignets n’ont pas trop souffert de ma chute tout à l’heure. Je pousse la lourde porte du bâtiment et pénètre à l’intérieur. Je pianote sur mon portable pour lui signifier mon arrivée et m’installe à l’une des tables disposées dans le hall. Je sors le petit thermos et nous sers deux gobelets de café, puis je jette un œil à l’intérieur du sachet de beignets. Ça va, ils ne sont pas trop en mauvais état.

— Salut ! s’exclame Selma en déboulant derrière moi.

Elle a ôté sa blouse, mais son chemisier sort à moitié de son pantalon, ses lunettes sont de travers sur son nez et une mèche rebelle pointe sur le sommet de son crâne. Je me lève pour la remettre en place alors qu’elle s’installe face à moi.

— On dirait un savant fou, plaisanté-je.

— Merci, souffle-t-elle en s’asseyant. Je suis désolée de te faire venir jusqu’ici.

— C’est rien. Ça me fait plaisir. Tiens, sers-toi.

— Oh merci, soupire-t-elle de plaisir en s’emparant d’un gobelet.

— Tout va bien ?

— Oui ! J’en vois le bout. Normalement, ce soir c’est fini, mais j’en ai bien encore pour cinq heures.

Je jette un œil à ma montre, cela veut dire qu’elle est encore là jusqu’à vingt et une heures au moins, plus le temps qu’elle rentre.

— Tu ne vas pas rentrer à pied quand même, m’inquiété-je.

— Mais non, rassure-toi. Greg vient me chercher et je dors avec lui cette nuit, sourit-elle une lueur dans les yeux. Mon homme se sent délaissé, trois jours sans qu’on se voie plus de dix minutes, c’est trop dur soi-disant.

— Plains-toi ! dis-je en riant doucement.

Je sais qu’ils vivent l’amour parfait tous les deux. Ils sont tombés amoureux peu de temps après la rentrée en première année et cela a été une évidence. Leur relation a fait beaucoup de dégâts parmi la gent féminine, parce que Greg est vraiment canon et populaire, mais c’est Selma qu’il a choisie et ils me font rêver. Bien sûr que oui, même si je ne veux pas de relation le temps de mes études, ce n’est pas pour autant que cela ne me rend pas envieuse, après tout, je ne suis qu’une fille qui aime les contes de fée.

 Je sirote mon café, songeuse, tandis que Selma se jette sur un beignet.

— Les deux sont pour toi, dis-je.

— Tu es sûre ?

— Oui. Je mangerai en rentrant.

— Ça a été l’entraînement de basket, ce matin ?

— Oui, je me suis défoulée.

J’adore ce sport. Je le pratique depuis mes huit ans et c’est un vrai exutoire. Ma bouffée d’air pour souffler entre les cours et les révisions. Je ne pourrais m’en passer, au même titre que le dessin avec mes cours du jeudi soir.

— Tu vas bien ? me demande Selma soudain très sérieuse.

— Oui, lui réponds-je, en hochant la tête histoire d’y mettre plus de poids.

— Tu as l’air contrariée.

— Oh, c’est rien. Nick Hansmann m’est rentré dedans ce matin et puis tout à l’heure, c’était au tour de Frank Irving.

Selma se met à rire doucement, manquant de peu de recracher un morceau de son donut. Je grimace face à son amusement et finis mon café d’une traite.

— Tu attires les hockeyeurs comme des aimants on dirait, se marre-t-elle.

— Ouais. C’est super drôle.

— Oh ça va ! C’est peut-être le début d’un remake d’Attraction fatale, prémices de Liaison fatale.

— C’est ça ! Ça ne m’intéresse pas, balayé-je.

— Lexi, soupire-t-elle doucement, en se penchant en avant pour prendre ma main dans la sienne. Je comprends ton raisonnement, tu le sais. Mais honnêtement, je trouve que tu manques de confiance en toi. Tu es une jeune femme magnifique qui a énormément à offrir et tu es quelqu’un de sérieux. Pourquoi t’es-tu mise en tête que les deux étaient incompatibles ?

— C’est pas ça, seulement, je ne veux pas de distractions, c’est tout. Je veux rester concentrée.

— Je parviens bien à concilier les deux, rebondit-elle.

— C’est parce que tu es extraordinaire.

— Arrête avec tes bêtises. Je suis persuadée que lorsque tu auras trouvé le bon, la question ne se posera même plus, assure-t-elle.

Elle hoche la tête, pour appuyer ses dires, et attrape le dernier beignet en souriant. Je fais un petit signe du doigt en montrant mon menton pour lui dire qu’elle a du sucre un peu partout. Elle frotte les doigts pour s’en débarrasser.

Je reste encore dix minutes et puis elle se lève pour me dire au revoir.

— Je dois y retourner.

— Bien sûr, pas de souci. On se voit demain, alors.

— Oui, sans faute.

— Tu m’envoies un message pour me dire que tu es bien avec Greg.

— Oui, maman.

Elle rit avant de m’embrasser sur la joue et de disparaître dans un tourbillon. Je secoue la tête et ramasse nos déchets pour les mettre à la poubelle. Je reprends le chemin inverse pour rejoindre la chambre étudiante que je partage avec Selma.

J’ai de la chance, le bâtiment Phillips où je réside est situé juste en face du bâtiment de psycho où j’étudie, je n’aurais pas pu tomber mieux. Cela me fait une trotte jusqu’au complexe de basket Berkowitz pour les entraînements, mais bon ce n’est pas grave, ce n’est pas comme si j’étais allergique à l’effort physique.

Je pousse un soupir et j’effondre sur le lit à peine posé le pied dans la chambre. Je suis en train de m’endormir quand mon portable me sort de ma transe. Je tâtonne pour attraper mon sac et extirpe mon téléphone.

— Maman ! m’exclamé-je en prenant une voix enthousiaste.

— Coucou ma puce. Comment tu vas ?

— Je vais bien, la rassuré-je.

C’est vrai que pendant les vacances d’été, j’étais un peu fatiguée. Le stress et la tension cumulés pendant toute une année, la première d’autant plus, se sont évaporés et du coup j’étais un peu étrange. Mais je ne voulais pas que mes parents se fassent du souci pour moi, ils ont suffisamment à faire avec Shane, mon frère cadet, qui leur en fait voir de toutes les couleurs.

C’est difficile pour moi d’être présente pour lui alors que je suis à Lansing. Ma famille habite à Muskegon, à une heure et demie d’ici, mais quand même, j’aimerais lui venir en aide, lui apporter mon soutien. Maintenant, il doit compter sur Eric, le benjamin, qui a deux ans de moins que lui. Comme Shane redouble pour la seconde fois sa terminale, il se retrouve avec Eric en classe. Maman avait peur que cela le mette en colère, mais je pense que c’est plutôt l’inverse qui va se passer. Eric va le tirer vers le haut et va l’aider à réussir, et comme Shane est très proche d’Eric, il fera en sorte de ne pas décevoir son petit frère. Je suis persuadée que de ce point-là, tout ira bien. Mais en ce qui concerne le comportement de mon frère, c’est une autre histoire.

On parle un peu des garçons, maman me demande comment je vais depuis la rentrée, je lui parle de Selma, des entraînements. Tout va bien. Rassurée, elle me souhaite une bonne soirée et je lui demande d’embrasser papa.

À ce moment-là, je peux enfin replonger la tête dans l’oreiller et m’endormir.

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